Le chômage ne rend pas fainéant mais il nuit gravement à la santé Par Olivia Recasens

Les premiers résultats viennent d’être rendus publics, 9 chômeurs sur 10 inscrits à Pôle Emploi recherchent activement un travail. L’enquête lancée il y a deux ans pour  contrôler les demandeurs d’emploi a ébranlé, du moins une idée reçue et complaisamment colportée : chômeurs = fraudeurs.

Si les 5,76 millions de chômeurs que compte la France ne sont donc pas tous des fainéants qui ne pensent qu’à tricher…, ils sont par contre tous exposés à un plus grand risque de mortalité. En effet, comme l’a révélé une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (1), perdre son emploi fait chuter l’espérance de vie !

Pendant douze ans, les chercheurs de l’Inserm ont suivi dans huit régions 6 000 Français âgés de 35 à 64 ans. Après avoir écarté tous les facteurs de risque et autres biais possibles, leurs conclusions parue dans la grande revue d’épidémiologie, International Archives of Occupational and Environmental Health sont sans appel : la mortalité des chômeurs est trois fois supérieure à celle des travailleurs. Selon les scientifiques à l‘origine de ces travaux inédits, le chômage tue chaque année dans notre pays 14 000 personnes par maladies chroniques, hypertension, rechute de cancer… Presque deux fois plus que les accidents de la route.

Un risque d’AVC et d’infarctus augmenté de 80 %

Le même constat, alarmant, a été tiré par le Conseil économique, social et environnemental (2). Chômeurs et chômeuses déclarent respectivement 2,32 fois et 1,71 fois plus fréquemment un « mauvais état de santé » peut-on lire dans l’avis du Cese. La perte d’emploi favorise notamment les accidents cardiovasculaires et les maladies chroniques : les chômeurs ont un risque d’AVC et d’infarctus augmenté de 80 % par rapport aux actifs. Ils sont aussi plus nombreux à mourir de cancer. Même les personnes dont le profil socio-économique et le niveau d’études sont supérieurs à la moyenne sont concernées par cette hécatombe, notamment parce qu’elles adoptent les mêmes « comportements à risque » que les autres : augmentation de la consommation d’alcool, diminution de la part de fruits et de légumes dans l’alimentation, et un apport calorique qui grimpe en flèche.

Troubles dépressifs et risque suicidaire

Perdre son travail touche la santé, le mental, la vie sociale, en amplifiant « les troubles dépressifs et le risque suicidaire ». Avec un effet domino sur la stabilité du couple car « il renforce les risques de séparation ». Les enfants ne sont pas épargnés : la perte d’emploi diminue par exemple « de 12 points la probabilité d’obtention du baccalauréat ».

Ces chiffres effrayants n’intéressent peut-être pas les chasseurs de chômeurs fraudeurs fantômes. Dommage, quand on sait que la moitié des Français actifs ont connu ou connaîtront une période de chômage au cours de leur vie professionnelle. Faudra-t-il écrire un jour sur le fronton des antennes de Pôle emploi : « Le chômage nuit gravement à la santé » ?

 

(1) ” Unenmployment is associated with high cardiovascular event rate and increased all-cause mortality inmiddle-aged socially privileged individuals “, Pierre Meneton, Serge Hercberg, Joël Ménard, Int Arch Occup Environ Health, janvier 2014.

(2) « L’impact du chômage sur les personnes et leur entourage », CESE, mai 2016.

Olivia Recasens

Directrice des éditions humenSciences et responsable éditoriale de Belin Sciences et Nature au sein du groupe Humensis, auteur.

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